La musique arabe (الموسيقى العربي) est un ensemble de musiques orientales issues d'une vaste zone géographique allant de l'Asie centrale à l'Atlantique. Elle constitue les branches d'une même famille musicale ayant évoluée dans les foyers culturels du Proche-Orient et du Moyen-Orient mais également dans des contextes différents.
En dépit de leurs multiples apparences, ces musiques, qui proviennent toutes de la tradition orale, présentent certaines caractéristiques communes, surtout l'étude de la musique savante ; cela est moins évident dans les musiques ethniques, où les particularités régionales sont marquées. Les concerts traditionnels de cette musique associent généralement des interprétations vocales et instrumentales, souvent en alternance. Longues parfois de plusieurs heures, ces suites gagnent leur point culminant dans l'exercice de performances vocales.
Les termes "musique arabe" peu prêter à certaines équivoques : ils sont justifiés si l’on désigne par là l’expression historique d’une civilisation dont la langue arabe et la culture islamique constituent les deux axes fondamentaux (mais ils sont impropres si l’on entend par "musique arabe" les formes d’un art inhérent aux Arabes et à l’Arabie définis ethniquement et géographiquement. Cet art couvre en fait des réalités esthétiques et ethnomusicologiques variées et parfois fort éloignées, mais il est marqué au sceau unificateur de l’Islam, lequel a pris racine et s’est principalement exprimé en arabe.
Sources d'influence
Les multiples sources d'influence de cette musique sont principalement sémitiques et remontent à la période qui se situe entre le Ve siècle et l'expansion de l'islam au VIIe siècle, mais aussi aux influences indo-persanes et grecques. Par ailleurs, les traditions majeures forgées en Arabie se développèrent et subirent les influences d'anciennes cultures des différents pays où l'islam et la civilisation arabe s'imposèrent, notamment en Perse, en Anatolie, au Proche-Orient et au Maghreb.
Histoire
Il faut voir dans la civilisation arabo-musulmane le point de convergence d'anciennes civilisations de l’Orient mésopotamien, égyptien, assyro-babylonien, indo-iranien et byzantin, synthèse dont l’Orient musulman se veut l’héritier. L’arabe devient ainsi un dénominateur commun aux peuples comme à leurs expressions culturelles, du Golfe arabo-persique à l’Atlantique, de l’océan Indien au Caucase et en Asie centrale, tandis que l’Islam, religion et civilisation, fondra dans l’unité de foi et un même mode de pensée, de sentir et de vivre, les deux parties autrefois séparées de l’Orient méditérranée et indo-iranien : très au-delà de son aire de domination, son influence atteindra l’extrême Asie et s’étendra vers l’Occident jusqu’en Europe des l’Est et de l’Ouest. Il se crée en conséquence une identité facilement ambiguë entre "arabe" et "islamique", qui s’est appliquée plus particulièrement au domaine du langage musical. "Musique arabe" et "musique de l’Islam" ou du "Monde musulman" sont soit confondues, soit considérées comme deux cultures musicales tout à fait distinctes. [...][1]
Aux débuts de l'ère islamique, les Arabes musulmans reléguèrent souvent la pratique musicale aux esclaves et aux captifs (comme les chanteuses appelées Qayna), ce qui favorisa notamment les influences persanes.
La musique arabe connut une renaissance au XXe siècle, sous les effets conjugués de certaines techniques et l'introduction d'instruments occidentaux qui y furent adoptés, et de la volonté grandissante de sauvegarder le patrimoine musical arabe. L'Égypte notamment vit l'éclosion d'immenses talents, compositeurs ou chanteurs, comme Mohammed Abdel Wahab, la chanteuse Asmahan ou encore Oum Kalsoum qui a emprunté d'ailleurs son nom à la poésie arabe préislamique et dont la carrière avait commencé dès 1932 en incarnant au temps d'al-Nasser l'ambition d'un retour à la grandeur première de l'islam. A la fin des années 60, elle élabore un nouveau style qui trouva aussi ses aficionados. Mais elle n'a été que la plus grande d'une pléiade d'artistes.
Caractéristiques communes de la musique savante arabe
À la différence de la musique occidentale dans laquelle se sont développées l'art de la polyphonie et de l'harmonie, la musique arabe est ancrée sur le chant et la mélodie, laquelle est la plupart du temps homophonique (c'est à dire une seule note à la fois) et construite sur un système extrêmement riche de modes mélodiques, appelés Maqâm. Les ouvrages arabes anciens sur la musique ont recensé jusqu'à 400 maqamat, dont trente au moins demeurent en pratique utilisés.
Inspirés de l'échelle des sons et des intervalles de la musique grecque ancienne, les modes furent adaptés à la musique arabe. Comme les modes grecs, ils reposent sur des intervalles de tierces (tricordes), quartes (tétracordes) et quintes (pentatonique), et reflètent la diversité des cultures rencontrées pendant l'expansion de l'islam.
La musique arabe n'utilise pas, comme la musique occidentale, la gamme tempérée, mais la gamme naturelle, qui permet une interprétation toute différente de l'échelle des sons à l'intérieur d'une octave, et de leurs rapports (les intervalles). En conséquence, les intervalles dans ces modes sont inférieurs au demi-ton occidental : le plus courant d'entre eux représente trois quarts de ton, mais l'on rencontre des intervalles d'un neuvième, de quatre neuvièmes et de cinq neuvièmes de ton. Si, dans la musique moderne, le monde arabe a souvent adopté le mode de notation occidental, le terme « gamme » est inapproprié, puisqu'il couvre théoriquement une octave, et que la musique arabe est construite sur des modes inférieurs à l'octave.
Les intervalles inférieurs au demi-ton ; on utilise le Limma (1/3 de ton) et le Comma (1/9 de ton). Mais le plus utilisé est le 1/4 de ton. Les altérations utilisées pour indiquer les 1/4 de ton sont le « demi bémol » et le « demi dièse ». Pour noter ces intervalles inconnus dans la musique occidentale, on utilisait autrefois le bémol inversé (comme un d). Aujourd'hui on utilise le bémol barré
Une autre particularité de cette musique, apportée par un art vocal très sophistiqué et mélodique (résultant du système modal et de ces micro-intervalles), réside dans l'ornementation des lignes mélodiques homophoniques (les instruments sont alors utilisés à l'unisson ou à l'octave). Trille, glissando et autres variations rythmiques et mélodiques constituent une ornementation continue et souvent complexe.
L’originalité dans apprentissage de la musique arabe
L’élève apprend la technique et le répertoire traditionnel transmis par un maître (maâlem) grâce à la tradition orale. Après une certaine maîtrise de ces éléments, le musicien évolue et se met au jeu de l'improvisation et à l'art de la création musicale. Comme créateur il puise dans la tradition des éléments qui lui ont été transmis pour ensuite les assembler selon ses aspirations, ou à partir desquels il invente des variations qui viendront enrichir un répertoire commun.
Cette tradition orale reste l'un des éléments majeurs dans l'interprétation comme dans la transmission pédagogique de la musique. Une bonne maîtrise des systèmes mélodiques et rythmiques est donc indispensable pour la composition et l'interprétation de la musique arabe. Les élèves étudient des morceaux vocaux et instrumentaux, mais ils les interprètent rarement exactement tels qu'ils furent initialement composés. Dans la tradition arabe, les bons musiciens apportent des variations et improvisations musicales sur les morceaux ou modèles connus, comme les musiciens classiques de l'Inde ou les musiciens de jazz. Les improvisations peuvent être relativement longues, transformant des compositions d'une dizaine de minutes en interprétations d'une heure et n'ayant parfois que peu de points communs avec le modèle d'origine.
Les instruments de musique
Les instruments les plus usités dans la musique arabe sont l'oud (عود), ancêtre du luth européen employé parfois comme basse mélodique ou rythmique dans les ensembles instrumentaux, et le nay, une flûte de roseau. Les instruments à percussion les plus courants sont des tambours en forme de sabliers (comme la derbouka دربكة et des tambourins avec ou sans clochettes (daff ou târ). Les noms et les formes des instruments varient en fonction de leur région d'origine. Des instruments à anche double, de différentes tailles, tels que le mijwiz au Liban et le mizmar en Égypte, sont utilisés lors de célébrations en plein air. Le rebab arabe, violon à pointe joué verticalement, peut être historiquement apparenté au violon européen, lui-même adopté dans de nombreuses régions arabes, notamment dans les orchestres arabo-andalous. Parmi les autres instruments classiques figure le Qānun(قانون) - adopté dans l'Europe médiévale sous le nom de canon), cithare à soixante-douze cordes métalliques-.
Evolutions musicales et disparités
Au cours des siècles, des pratiques musicales locales distinctes se développèrent, en se forgeant un une identité culturelle particulière à chaque société. Il existe ainsi, dans des villes du Maghreb telles que Fez, Tétouan, Tlemcen et Tunis, des versions distinctes du noubas, qui font partie intégrante de la culture musicale locale. Des modes mélodiques légèrement différents portent le même nom en Syrie, en Égypte, en Irak et dans les pays d'Afrique du Nord. Les modes rythmiques de ces musiques peuvent être articulés différemment, et leurs interprétations varient. La poésie populaire chantée, changent aussi en fonction du dialecte local. Le maqam irakien n'est pas simplement un mode mélodique mais une suite de pièces dans un mode particulier. En Irak, le terme maqam a une signification plus proche de celle du waslah ou du nawbah que de celle du maqâm dans d'autres régions arabes.
Du fait de l'absence de partitions de musique écrites jusqu'au XXe siècle, il est impossible de dater les mélodies avec exactitude. Certains genres mélodiques, en particulier ceux du Muwashshah andalou ou syrien (Ce type de poème en langue arabe est distincte de la qasidah (en Arabe قصيدة, en Persan قصیده) à une seule rime et autorisant une plus grande subtilités et possibilités de création et de composition musicale. le poème est composé en larges versets monorythmiques. Selon García Gómez, à la fin du 9ème siècle, un poète arabe anonyme empruntait certaines de ces chansons en un poème arabe intitulé moajaxa, qui lui donna une structure strophique particulière), doivent remonter à plusieurs siècles, mais il est probable qu'ils aient subi quelques modifications.
Des centaines de traditions musicales locales coexistent dans le monde arabe, qui portent souvent les traces des pratiques musicales de peuples avec lesquels les populations arabes se sont trouvées en contact. Ainsi, la pratique du tambour dans les États du golfe Persique pourrait s'expliquer par les relations avec les commerçants africains. La tradition gnawa tirerait son nom des esclaves de l'Afrique noire amenés au Maroc. La musique nubienne, en Égypte, fait appel à un système mélodique particulier utilisant une gamme pentatonique (à cinq notes) et intégrant des rythmes distincts.
La musique populaire arabe contemporaine emprunte à la fois au style traditionnel et au style classique arabes. Les claviers électroniques accordés pour les maqamat et les tambours accompagnent généralement les chanteurs de poésies et de chansons populaires. Dans certains cas, les chanteurs adaptent leur style vocal ou leur langage au public non arabophone, tout en s'efforçant de préserver en partie la tradition musicale arabe. Le raï, venu des faubourgs d'Oran en Algérie, a su associer le rock, le funk et le reggae à la musique arabo-andalouse traditionnelle.
La tradition de la musique arabe côtoie d'autres traditions musicales en Turquie, en Iran et en Asie centrale. Des points communs existent parmi les systèmes à prédominance mélodique du dastgah persan, du mugam d'Azerbaïdjan, du makam turc, du shashmaqam d'Ouzbékistan et du maqâm du peuple Ouïghour de Chine. Les traditions de récitation coranique et de chants religieux originaires des régions arabes sont partagées par l'ensemble des communautés musulmanes, par exemple en Indonésie et au Pakistan. De même, les traditions de musique religieuse des Églises chrétiennes du Proche-Orient, en particulier celles de l'Église maronite en Syrie ou au Liban et de l'Église copte égyptienne, peuvent être rattachées à la tradition musicale arabe.
Cette diversité n’a pas épargné la musique savante de l’Islam elle-même dans la mesure où le substrat ethnique, si présent dans les musiques populaires, marqua de son empreinte l’évolution du langage musical dans les trois grandes aires ethnolinguistiques de l’Islam traditionnel, surtout au niveau des formes et de la pratique : ce qui justifie qu’aujourd’hui on distingue et analyse séparément les musiques dites arabe, turque et persane.[2]
Artistes
Des noms célèbres comme Oum Kalsoum (1904 - 1975) ont pu populariser cette musique à travers le monde entier.
- Fairuz (née en 1935), chanteuse libanaise;
- Sayed Darwish est considéré comme un précurseur du renouveau de la musique arabe malgré sa mort prématurée en 1923, tout comme les compositeurs Riyad el Sounbati ou Bayram Tounsi. Voici les maîtres du tarab:
- Mohammed Abdel Wahab (1907 - 1991) est le premier chanteur arabe à atteindre la popularité. Il joue dans le 1er film musical arabe (La rose blanche) en 1932, et se consacre plus tard à la composition.
- Abdel Halim Hafez (1929 - 1977): l'une des plus belles voix du monde arabe. Ces chansons rencontrent encore un grand succès.
- Farid El Atrache (1915 - 1974): chanteur égyptien d'origine syrienne, connu pour avoir été l'un des meilleurs joueurs de l'oud.
- Najat Essaghira (chanteuse égyptienne)
- Fayza Ahmed (1930 - 1983), d'origine syrienne
On peut ajouter d'innombrables musicien comme Sayed Mekawi (Égypte), Oulaya (Tunisie), Sabah (Liban), Sabah Fakhri (chanteur syrien)